Prix du Suspense Psychologique : les conseils de Bernard MINIER

Prix du SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE . Les conseils du président Bernard MINIER :

On parle de “suspense psychologique”. Quels sont les prérequis de ce nouveau genre selon toi ? Quels sont les codes à suivre et à respecter, les conseils que tu pourrais donner aux auteurs  ?

Bernard MINIER : Je crois que ces deux termes parlent d’eux-mêmes. C’est un genre qui s’attache d’abord à la tension narrative et à la psychologie des personnages. Enquêtes policières, traques, harcèlement, obsessions, prises d’otages, disparitions, paranoïa, manipulations, complots, les ingrédients sont nombreux pour créer cette tension. Mais il ne s’agit pas seulement de raconter une intrigue – il s’agit de faire en sorte que le lecteur mette ses pas dans ceux du personnage principal et, dans une moindre mesure, des personnages secondaires, qu’il les suive partout, qu’il soit au plus près de tout ce qui se passe. Il s’agit de lui faire éprouver dans la mesure du possible ce qu’ils éprouvent, de lui faire partager leurs pensées, leurs doutes, leurs questionnements – et surtout leurs peurs et leurs émotions. Dans un roman psychologique, le lecteur sent la pluie qui mouille le personnage, le blizzard qui le glace, la sueur dans son dos, les chaînes qui l’entravent, la douleur, le chagrin, la terreur qui le paralyse, la colère qui irradie dans son ventre, le désir… On entredans le livre, on entredans les personnages. Parmi les prérequis, il y a évidemment la règle du conflit : le conflit, c’est l’essence dans le moteur. Pas de suspense sans conflit. Mais il ne doit pas y avoir une seule forme de conflit. Il y a les conflits externes : le couple, l’entreprise, le manipulateur, le tueur, les kidnappeurs, les collègues, les voisins, l’ami qui vous trahit, et puis il y a les conflits internes : le personnage doit aussi lutter contre ses propres faiblesses, ses propres démons, ceux qui le handicapent gravement dans sa quête de libération, de vérité ou dans son combat. 

Un conseil ? Qui suis-je pour donner des conseils ? Soit, en voici un : comme dans tout art ou artisanat qui s’inscrit dans la durée (cinéma, séries, musique), gardez le meilleur pour la fin. Soignez votre début, soignez votre fin et soignez votre milieu : bref, soignez tout. Et puis, il y a ce que certains théoriciens appellent « l’ascension symbolique » : non seulement le suspense doit aller crescendo, le rythme s’accélérer (même si, paradoxalement, vous devez attraper votre lecteur par le col dès les premières pages et le tenir en haleine jusqu’au bout) mais, à mesure que votre histoire progresse, votre récit doit acquérir de plus en plus de signification, jusqu’au climax et à l’épilogue, où il s’éclaire d’une signification plus vaste qui rejaillit sur toute l’histoire. Et, surtout, une fois tous ces codes intégrés, oubliez-les. Soyez vous-même. Privilégiez ce qui vous différencie.